Page:Bakounine - Lettres à Herzen et Ogarev, trad. Stromberg, Perrin, 1896.djvu/83

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meilleur des Italiens » ; dans son album, il mit sa photographie entre celles de Mazzini et de Garibaldi. Cependant, peu de temps après, le nouvel adepte commença à s’apercevoir que la Société, à proprement parler, ne faisait rien du tout.

« Les « frères » étaient loin de partager mon enthousiasme », continue De Gubernatis, et notre chef était tout absorbé par les quêtes qu’il faisait pour les pauvres Polonais, comme il disait, mais dont, en réalité, il bénéficiait lui-même et dont il partageait le produit avec les « frères » nécessiteux qui le fréquentaient… Dans cette Société, tout le monde voulait être au premier rang, personne ne voulait rester simple soldat. Et notre généralissime s’occupait à composer tous les huit jours un nouveau chiffre, insistant pour me les faire apprendre tous par cœur, parce que, affirmait-il, je devais seul en posséder la clef. Je lui répliquai que j’envisageais tous ces chiffres comme absolument inutiles, puisque nous travaillions dans la même ville, etc.

« Lorsque Bakounine vit que j’étais résolu à agir, il me chargea d’enseigner le catéchisme socialiste à deux jeunes gens qui, alors, avaient une certaine influence dans le milieu ouvrier. L’un d’eux, un imprimeur, se montra disposé à entrer dans notre Société ; mais l’autre, avec son esprit positif, contribua beaucoup, je dois l’avouer, à me dégriser moi-même. C’était le type d’un bon ouvrier de Toscane. Il avait fait les campagnes de Sicile et d’Aspromonte et était resté jeune de cœur et d’esprit : franc, loyal, séduisant. Lorsque je lui fis part de ma mission, il me dit :