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REINE D’ARBIEUX

son, laissant derrière lui la porte ouverte ; dans le salon, comme il cherchait un journal sur la cheminée, il aperçut les deux volumes, regarda le titre dans le corridor à la lueur d’une lampe Pigeon. Pendant qu’il les examinait, et découvrait sur la première page le nom d’Adrien, sa physionomie prenait l’expression de l’orgueil blessé et de la fureur. Ah ! il lui avait prêté des livres. De quoi se mêlait-il ? Il fut sur le point de les déchirer.

— Reine, appelait-il.

Sa voix était si changée qu’elle fut effrayée. Il répéta son nom à plusieurs reprises ; sortit enfin ; la colère l’aveuglait, rendait à moitié fou ce Landais sanguin. Mais à la voir si pâle et les yeux cernés, à la lumière blafarde de la lampe, une lueur se fit dans son esprit : il s’arrêta net. Ses malaises, le dégoût qu’elle avait depuis quelques jours de la nourriture, il comprenait tout.

— Vous êtes souffrante, balbutia-t-il, honteux de son emportement.

Il jeta les livres derrière lui, l’entraîna vers le banc et l’attira sur son épaule. Elle résista d’abord, hostile et butée, puis se laissa brusquement toucher. Des gouttes brûlantes couvrirent son visage. Germain la pressa contre sa poitrine. Elle sentit ses lèvres qui la cherchaient, qui buvaient ses larmes. Qu’elle était pliante et faible dans ses bras ! Une émotion qu’il n’avait jamais éprouvée le bouleversait : toute sa colère était tombée ; il se sentait étrangement ému et heureux.