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REINE D’ARBIEUX

— C’est pour l’Égypte ?

— Non, on expédie d’abord au Maroc. Pour le Caire, le chargement ne sera complet que dans deux jours.

Il protesta qu’on lui avait dit l’avant-veille que tout était prêt. Mais Adrien, sans lever les yeux, assura d’une voix calme qu’il avait été mal ren­seigné.

La fureur du maître éclata :

— C’est à moi qu’il faudrait d’abord rendre des comptes.

Cet incident éclairait dans sa mémoire d’autres faits semblables, auxquels il ne s’était pas arrêté. Depuis quelque temps, n’avait-il pas l’impression qu’Adrien, en son absence, empiétait sans cesse sur ses droits, usurpant chaque jour quelque attri­bution : sans qu’on sût comment, il en arrivait à tout diriger. Alors même que Sourbets se trou­vait au moulin, n’était-ce pas à lui qu’on s’adres­sait ? À lui qu’on demandait des renseignements, et même des ordres ? Entré dans la maison comme simple comptable, c’était lui seul, en fait, qui la dirigeait.

— Il n’y a que moi qui commande ici, affirma Germain, d’une voix tonnante, comme pour réta­blir par la crainte une autorité qui lui échappait. Mais, par une sorte de lâcheté qu’on remarque sou­vent chez les gens violents, il évitait de regarder son cousin en face. Les femmes, stupéfaites, bais­saient les yeux.

Adrien se taisait. Il avait blêmi. Debout, dans