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REINE D’ARBIEUX

milieu des arbres : alors elle s’assit un moment, reprenant haleine.

Des images remontaient dans son esprit : elle se vit à La Font-de-Bonne, sur le vieux banc, attendant Régis. L’effort qu’elle venait de faire l’avait épuisée. La fatigue brisait son corps mais elle se sentait l’esprit rafraîchi. Le temps passait : elle tenait toujours ses yeux attachés à la fabrique, comme si le plaisir qu’elle trouvait à la regarder ne s’épuisait pas.

Le lendemain, elle revint dans le bois à la même place. Elle avait emporté Dominique mais ne l’ou­vrit pas, trop occupée des émotions qui l’envahis­saient. La tête appuyée à un pin, elle songeait à Adrien : son extérieur chétif attirait peu au pre­mier abord, mais il savait captiver l’esprit, le mettre en éveil, donnant l’impression que les opi­nions courantes ne lui en imposaient pas. « Les Dutauzin, des gens excellents, lui avait-il dit, mais tellement vieux jeu ! » Elle avait ri. Il trouvait des mots qui la vengeaient. Devant les fusains accro­chés au mur du salon, il lui avait parlé de quelques artistes, dans un langage alerte et vif, qui évo­quait ces domaines de l’art, riches de secrets, de traditions et de réussites, qu’elle connaissait peu, où elle aurait aimé s’aventurer. Elle le questionnait, heureuse d’apprendre, fière que son père, dans son obscurité, appartînt pourtant à la race des êtres d’élite et eût dans sa jeunesse méconnue goûté à leurs joies. Mais plus douce encore était la cer­titude qu’elle lui plaisait ! Dans son humilité de