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REINE D’ARBIEUX

aimé, était un objet de dédain et de railleries. Par pudeur, elle n’osa pas parler de sa mère. Au couvent aussi, elle s’était toujours sentie seule. Qu’aurait-il fallu faire ? Elle s’était lassée de prier, n’ayant jamais été exaucée. Il y avait une sorte de fatalité qui la poursuivait, flétrissant tout ce qu’elle touchait. L’enfant qu’elle avait espéré, elle ne l’aurait pas. Elle avait pourtant du cou­rage !

Adrien était resté debout, à côté de la porte entr’ouverte. Son expression sérieuse pouvait donner le change sur ses sentiments. Il se rappelait que les femmes s’attachent par les confidences, la laissait parler, fort du sang-froid qui le laissait toujours maître du terrain.

Quand elle releva la tête, il y eut un silence.

— Vous ne savez donc pas, interrogea-t-il, que votre mari a été sur le point de me renvoyer ?

La figure de Reine se colora brusquement et une exclamation monta à ses lèvres. Ce nou­veau coup l’accablait, mais presque aussitôt ses traits s’éclairèrent : elle entrevit des luttes dif­ficiles et se sentit exaltée par la perspective de les soutenir.

— Pourquoi ? Pourquoi ?

Adrien ferma la porte et s’assit près d’elle, sur le petit canapé qui perdait son crin. Elle sentit son souffle sur sa joue, recula un peu, mais se ressaisit, prête s’il le fallait à le retenir, lui prendre les mains. Dès les premières paroles, elle eut l’impression qu’une heure grave était arrivée : sa voix s’était