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REINE D’ARBIEUX

faite sifflante et précipitée, et elle croyait y démêler un secret reproche.

— Il y a eu dans la famille des malheurs que vous ne pouvez pas ignorer.

Elle l’interrompit d’un geste rapide, avec anxiété.

— Des malheurs ?… lesquels ?

D’un instant à l’autre, un employé peut frapper à la porte ou l’auto rouge bondir dans la cour. Ce vieux chapeau accroché à une patère, c’est celui de Germain : lui-même a glissé sous le ruban taché par la sueur des plumes de perdreau. Mais cette impression de risque et de dangereuse victoire, Adrien l’aime. La petite pièce à côté est vide, où il vient de passer deux ans, humble comparse, la tête baissée sur des registres. Le destin, ce soir, a chassé le maître qu’il déteste pour le remettre à sa vraie place. Non, Reine ne peut plus lui échapper : « Comment, madame, vous ne savez rien !… mais peut-être ne devrais-je pas troubler votre paix. » La version du drame qu’il lui présente et qu’elle écoute, les joues brûlantes, éperdue de honte et de pitié, comme il excelle à la rendre pathétique dans sa sécheresse :

— Mon père… un homme qui croyait à ces vieilles choses qui n’existent plus : l’honneur, la famille, la bonté des autres ; le vieux Sourbets, un rapace et un usurier… le type de ces gens qui détroussent un cadavre pour remplir leurs poches.

Il ne lui dit pas tout, mélangeant les insinuations et les réticences, sachant que le désir d’en savoir