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REINE D’ARBIEUX

le chemin creux, l’auto passa à toute vitesse dans des ornières remplies d’une eau jaune qui écla­boussa la capote. Dans la cour, il eut la sensation qu’on le regardait curieusement, se sentit gêné. Il était deux heures passées. Le travail venait de reprendre. Fiévreusement, mais sans poser aucune question, il se mit à la recherche d’Adrien. Est-ce que lui aussi avait disparu ?

Dans son bureau, il souffla un moment, les yeux fixés sur la pièce voisine où la place de son cousin demeurait vide. L’impression qu’il y avait du mys­tère dans tout ceci le bouleversait. Eh quoi ! L’occa­sion cherchée se présentait enfin :

— Quand il rentrera, je lui donnerai son compte.

Tout en poursuivant un soliloque décousu et entrecoupé, qui l’aurait fait prendre pour un fou, il regardait sur le secrétaire les lettres du jour : la première qu’il ouvrit était celle de son avocat, qui lui rappelait que son affaire était inscrite au tribunal pour le lendemain ; une autre l’intrigua. La mention personnelle se détachait d’une écri­ture ronde et malhabile sur une mince enveloppe grise.

Il mit longtemps à la déchiffrer, tant l’ortho­graphe était incertaine ; puis certains mots lui sautèrent aux yeux, des allusions grossières et voilées désignant deux personnes de son entou­rage. «Tu n’y vois que du bleu », lui écrivait-on, avec la cynique familiarité des dénonciations anonymes.