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REINE D’ARBIEUX

jour son livre de comptes. Mais vous ne m’avez jamais demandé conseil…

Malgré l’anxiété confuse que l’attitude de Germain éveillait en elle, et son impatience de pénétrer jusqu’aux arcanes de la vie du jeune ménage, pour pouvoir, en connaissance de cause, juger et morigéner, Mme Fondespan ne prenait plus la peine de se contenir. Ses griefs longtemps étouffés affluaient à ses lèvres d’un dessin ferme, fortement encadrées par le trait d’ombre des commissures. Massive, dans la robe de chambre boutonnée comme une soutane, et fermée au col par une pièce de vieil argent, elle se dressait en face de Germain, déjà armée de tous les reproches et gonflée de toutes les indignations que le désastre de son ménage allait déchaîner.

Germain recula. Jamais cette femme dont il détestait l’esprit entier, et la manie de tout rapporter à elle, ne lui avait paru si redoutable, tellement insensible au fond humain et triste de la vie qu’il semblait impossible de trouver en elle autre chose que du mépris. Il tira sa montre.

— Vous m’excuserez, je suis attendu.

Elle fit le geste de le retenir, devina qu’il ne dirait rien. « Pour une fois qu’il venait la voir, il n’allait pas s’échapper si vite » ; mais il se dirigeait vers la porte, et elle regardait, stupéfaite, son habit poudreux, sa face harassée. Une sorte de voile embrumait ses yeux. Peu à peu, remarquant ses paupières flétries et son teint terreux — cette mine défaite d’un homme qui