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REINE D’ARBIEUX

paraît revenir d’un long voyage — elle prenait une conscience confuse des événements qui lui échappaient.

— Promettez-moi au moins de venir dîner dimanche avec Reine ?

Le sourire qui creusa, sous la moustache courte, les lèvres serrées, était si triste que la vieille dame se sentit interdite et comme vaincue. Elle n’in­sista pas, lui serra la main ; puis, s’étant retournée, aperçut Germain près du portail, devant la por­tière ouverte de l’auto, promenant son regard vide de revenant sur la terrasse, la charmille embrasée des splendeurs d’automne, mais déjà mordue et crispée par les premiers gels. Quels souvenirs de ses fiançailles, quelle lumière morte remontaient dans les ténèbres de son angoisse à son cœur inerte ?

L’auto roulait doucement dans l’allée d’ormeaux. Germain, accablé, sentait le vide se faire dans sa tête. Un grand espoir l’abandonnait, qui le laissait sans force, mais non résigné à sa défaite. Où aller ? Quelle aide espérer ? Machinalement, ou peut-être guidés par un sûr instinct, ses yeux se portèrent vers La Renardière ; il reconnut le fond de sapins, la mince poivrière. Au premier instant, il hésita, tiré en arrière par la timidité qui paralyse les hommes frustes peu enclins à rien livrer de leurs sentiments. Mais une force le poussait : sans que sa volonté en eût donné l’ordre, ses mains firent tourner le volant.