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REINE D’ARBIEUX

La voiture vira dans un chemin de sable, sous d’épais sureaux dont le feuillage formait une voûte basse, frôla une barrière, passa devant le chêne vénérable, au vieux flanc ouvert. Un charme de poésie émanait de l’allée envahie par l’herbe, du petit perron que la mousse criblait d’épaisses taches brunes. Sur la porte du salon, une inscrip­tion rongée dans la pierre éveillait l’idée d’une noblesse ancienne, plus forte que la ruine, sem­blable au lis pur d’un filigrane dans la feuille à moitié détruite par le temps.

Comme Germain se tenait debout, sans franchir le seuil, une femme se montra. Elle avait la figure pleine, des yeux bruns joyeux, et nouait en hâte un tablier sur ses hanches rondes.

— Madame n’est pas prête, expliqua-t-elle, mais Mademoiselle descend tout de suite.

Dans le salon carré, tendu d’une cretonne où se décoloraient des branches de pommier fleuri et de grands oiseaux, il y avait cette même odeur du passé qui imprégnait le vieux domaine. Une pièce triste, parce que la fenêtre était si haute qu’il fal­lait pour atteindre aux volets monter deux marches dans l’embrasure. Germain ne distinguait ni les bouquets touffus de fusain, sur l’épaisse console d’acajou, ni les fauteuils groupés en cercle, ouvrant au visiteur une arène vide. Comme tout à l’heure, le terrassait l’impression d’un espoir perdu. Sans se l’avouer, n’était-ce pas Reine qu’il était venu chercher dans cette maison ; une Reine disparue, mystérieuse, dont la hantise soulevait en lui un