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REINE D’ARBIEUX

dominer ses passions, même les plus secrètes, par des arguments logiques de l’esprit, il se représenta que son plan, tout compte fait, avait réussi ; peut-être même (mais quelle ironie dans ce recensement des faits matériels) au delà de ses prévisions.

Leur fuite étant une chose accomplie, est-ce que Reine peut désormais choisir ? Adrien imagine le scandale, les ponts coupés, la petite société où ils ont vécu soulevée de colère et d’indignation, les frappant tous deux d’une sentence définitive. Ah ! il peut souffrir ce soir dans son orgueil irrité et dans son désir ; le jour qui se lèvera dans quelques heures, le lendemain, tant d’autres qui vont suivre, combleront sans mesure la soif de revanche qui a pris brusquement la saveur grisante de l’amour. Que Reine, si elle le veut, gémisse, se plaigne, et même le maudisse en se déshabillant derrière la cloison, tout cela est aussi inutile que l’agitation misérable d’un oiseau en cage. Par la honte et par le mépris, ne sont-ils pas plus sûrement liés que Germain et elle ne l’ont été par le sacrement ? Cela aussi ne peut désormais être défait.

Est-ce parce qu’elle était tellement lasse ou étourdie par la violence des événements ? La vue claire de sa situation échappait encore à la jeune femme. Chancelante sous tant d’émotions, elle sentait seulement sa frayeur, la faim, la fatigue. Quelle heure était-il ? Comme elle cherchait sa montre dans son sac, ses forces défaillirent… La brume avait