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REINE D’ARBIEUX

Mais, sous le calme qu’il affectait, elle l’avait senti chanceler. Son regard aussi n’était plus le même, changeait de couleur, comme une eau se trouble quand une pierre vient de tomber au fond : « Un honnête homme, pensa-t-elle, se fût révolté. » Lui, au contraire, le coup reçu en pleine figure, paraissait figé.

— Vous allez bientôt me dire, persifla-t-il, que je vous ai enlevée pour votre fortune.

— Vous savez bien, répliqua-t-elle avec simplicité, que je ne suis pas riche. Mais Germain l’est… Peut-être, ne pouvant voler les biens de votre cousin, avez-vous préféré lui voler sa femme.

Elle ajouta, méprisante :

— C’était plus facile !

Une expression sardonique fixait sur le visage d’Adrien un affreux sourire. Elle recula. Il lui faisait peur. Mais son réflexe l’avait mis en garde, il se domina :

— Non, soupira-t-il, pas si facile !

Cette humilité sonnait faux. Elle le remarqua. Sa sensibilité rendue suraiguë par les émotions de la nuit enregistrait les moindres nuances. Soudain, un frisson la parcourut : une intonation venait de lui rappeler leur rencontre chez les Dutauzin. Au premier contact, Adrien ne lui avait pas été sympathique. Elle s’était demandé pour quelles raisons n’avait rien trouvé, sinon un peu d’affection, et ce regard fuyant qui lui déplaisait. N’était-ce pas plutôt — elle en prenait conscience à cette seconde — à cause de cette sonorité bizarre