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REINE D’ARBIEUX

nait dans son cerveau encore étourdi par le renseignement inattendu, ses joues brûlaient. Il promena un regard vide sur la place, aperçut un kiosque où les magazines coloriés étaient suspendus. Une idée le frappa comme une balle. Il acheta un journal de Bordeaux et le déplia.

— Ah ! murmura-t-il, froissant la feuille avec une violence contenue, ils partent ce soir… Nous verrons cela.

À la page des annonces maritimes, il avait lu que le Lotus appareillait dans la nuit pour Casablanca.

Le flot des passants le bousculait. Sourbets s’en alla. Comme il marchait sur la chaussée, une auto faillit l’écraser, le chauffeur le traita d’ivrogne ; il le regarda, ne répondit rien. Ivre en effet, ivre d’une souffrance féroce qui coulait au plus profond de sa chair ! Depuis la veille, il avait cuvé sa jalousie. Le venin maintenant se répandait. Il souffrait, mais avec l’espoir de la vengeance. Ah ! ce misérable s’était flatté de lui prendre Reine ! « Halte-là ! » leur jetterait-il. Le droit, la force, tout était pour lui. Elle était sa femme.

Il s’était engagé, près de la cathédrale, dans une vieille rue et marchait comme un somnambule, parlant seul, avec des gestes qui faisaient les passants se retourner, lorsqu’il aperçut la vitrine d’un armurier. C’était le magasin où les Sourbets achetaient, de père en fils, leurs fusils de chasse. À défaut de sa volonté consciente, quel instinct l’y