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REINE D’ARBIEUX

Tout à coup il se sentit pâlir, puis brûler. Les muscles de sa face s’étaient tendus. Un homme, portant une valise, contournait le wagon de marchandises.

Sourbets avait plongé sa main dans la poche de son pardessus.

L’homme, un instant caché, venait de reparaître. Il traversait un espace éclairé. Sous le feutre baissé, c’était bien ce masque de rapace, aux lèvres serrées.

Le dur regard scrutait ses traits. Il avait maigri. Il avait la mine d’un pauvre qui n’a pas mangé. Un air de fièvre ravageait son visage creux. Absorbé par une sorte de vision intérieure, comme quelqu’un qui n’espère plus rien, qui n’attend personne, il reprenait haleine au pied de la passerelle.

Si Germain avait cédé à son impulsion, il lui eût sauté à la gorge : « Canaille… misérable. » Mais sa main refermée sur le revolver s’affaissa soudain.

Adrien montait seul à bord.

Bernos n’avait pas reparu à l’hôtel dans l’après-midi. Les démarches à faire, avant le départ, et quelques achats l’avaient occupé. Surtout il entendait laisser à Reine l’impression de la liberté. L’emmener de force, il ne fallait pas y songer. Quel droit avait-il ? Et, à insister, il perdrait tout.

« Que je puisse lui dire plus tard qu’elle seule a choisi, » se répétait-il, songeant à l’avenir qu’ils