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REINE D’ARBIEUX

Il y avait d’abord eu cette visite de Germain. Très hospitalière, mais un peu lente, élevée à une époque paisible et cérémonieuse où tout le monde avait le temps d’attendre, elle regrettait de n’avoir pas été prête assez tôt pour le rece­voir. Pourquoi venait-il à l’improviste. Quand elle était descendue de sa chambre, il était parti.

— Qu’est-ce qu’il t’a dit ? avait-elle demandé à sa fille. Et Reine ? On ne la voit jamais.

Toute ébranlée par les révélations de Germain mais en apparence très calme, maîtresse d’elle-même, décidée à lutter coûte que coûte pour son amie, Clémence avait eu un pâle sourire. Elle savait qu’il fallait garder ce secret. Mais, vers quatre heures, inquiète de ce que pouvait chu­choter la sous-préfecture, et prétextant un rendez-vous chez la couturière, elle avait fait atteler à la charrette anglaise le petit cheval.

— Pourvu qu’elle revienne, pensait-elle, sans voir au passage le vieux pays mi-agricole, mi-fores­tier, aux couleurs d’automne. Elle songeait au désespoir dont témoignait une action pareille. Quelles passions terribles pouvaient jeter l’un contre l’autre, ainsi que des vagues, deux êtres unis ? Un ardent désir de les aider faisait affluer le sang à ses tempes. Il aurait fallu que Reine eût auprès d’elle une affection sûre pour la conseiller. Où était-elle ? Dans quelle résolution excessive sa nature vaillante et sensible l’avait-elle précipitée ? « Elle a cru que tout était perdu, » se disait-elle,