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REINE D’ARBIEUX

à panonceaux où son père n’exerçait guère que le samedi, jour de marché, des désirs nouveaux l’avaient tourmentée. Voyager, apprendre ! Elle voulait aller à Paris. Reine ne répondait pas. La pensée seule de Régis absorbait son cœur. Qu’attendait-il de l’avenir ? Quelle espérance se faisait jour dans sa destinée de garçon pauvre et solitaire ? Le regard levé, elle semblait chercher par delà l’horizon cette existence qu’il ne lui était même pas possible d’imaginer. La pensée que d’autres auraient la liberté de vivre avec lui, loin d’elle, touchait son cœur d’une douleur obscure.

Elle aurait voulu crier :

— Avec toi, j’aurais tout aimé et tout accepté. J’aurais été partout bienheureuse et comblée de joie. Tu m’aurais suffi. Il n’y avait rien ici pour me retenir.

Comme Thérèse avait passé son bras sous le sien, et hâtait le pas, elle se laissa entraîner, arrachant au passage un bouton de rose. Sur la terrasse, où les visiteurs se hâtaient de prendre congé, Régis avait disparu. Reine regarda d’un côté, de l’autre. Une sorte de trou noir s’ouvrait dans son cœur. Elle aperçut sa bicyclette appuyée à la vigne vierge. Germain Sourbets, les prunelles fixes, la considérait ; mais les yeux élargis, sans une parole, elle avait déjà fui par l’escalier qui descendait vers le parterre.

L’orage commençait de faire rouler derrière les châtaigneraies sa sourde menace. Il semblait