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REINE D’ARBIEUX

qu’une main mystérieuse brassât dans la nuée de soufre grisâtre des sacs de noix sèches.

Régis avait pris un petit sentier en corniche qui dégringolait vers le bas-fond. Il avait besoin d’être seul. Il songeait à Reine. Tout à l’heure, lorsqu’il descendait à bicyclette la route de Grignols pour venir à La Font-de-Bonne, sa résolution de lui parler était presque prise. Il voulait lui dire qu’il l’aimait. Si elle consentait à se fiancer, un grand espoir adoucirait leur séparation. Les longues attentes n’effrayaient pas sa nature un peu molle et portée au rêve. N’étaient-ils pas jeunes ? Il écrirait. Elle lui garderait sa pensée fidèle. Tant d’autres remettaient ainsi leur bonheur, d’année en année ! Mais, démoralisé par l’atmosphère de cette réunion, et peut-être ramené dans la vie réelle, il ne trouvait plus tout cela aussi simple.

« Que puis-je lui offrir ? pensait-il. Ardente comme elle est, elle voudra me suivre. Et c’est impossible ! »

Il allait partir. Que deviendrait-elle ? À cette heure, où toute espérance lui semblait soudain vaine et illusoire, il revoyait dans son cœur l’enfant qu’elle avait été, charmante, impétueuse, passant de la joie aux larmes. Parce qu’elle était souvent heurtée, follement impulsive, prompte à des accès de désespoir qui la jetaient, sanglotante, contre son épaule, il avait été pour elle bon et fraternel. Il la consolait. Il aurait aimé la défendre. Ce démon de tendresse et d’agitation passionnée qu’il sentait en elle, qui donc, sauf Clémence peut-