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REINE D’ARBIEUX

être, l’en sauverait ?… Ici, le regard de Régis se nuança de douceur, d’infini respect, parce que venait de lui apparaître le plus pur visage qui eût éclairé sa vie. Sur cet être de fragilité, quel était ce signe de paix ? Il revit la lumière d’eau pure des yeux, le cou délicat, le sourire… Auprès de cette amie silencieuse, il aimait se taire. Nulle part, il n’avait senti une atmosphère si tranquille, comme au delà du monde, quelque chose qui donnait au chagrin un goût de douceur ! Il se rappela d’anciennes vacances où la gouttière roulée sous les tilleuls, devant le petit castel, on devinait à peine le corps si mince dans la couche basse. Le visage renversé vous accueillait. Il y avait parfois une fleur ou un livre dans les plis de la couverture.

Autour de ce triste chariot de souffrance, Mme  de la Brèche ne pouvait retenir ses plaintes. Qu’avait-elle fait pour qu’une pareille croix lui fût infligée ? Reine, exubérante, d’une bonté fougueuse, revenant avec lui de quelque promenade dans le vallon, et saisie d’une sorte de honte devant sa cousine, éclatait parfois en sanglots. Elle se reprochait d’avoir pris un plaisir que Clémence ne pouvait partager. Elle se promettait de passer avec elle la journée entière. Résolutions ardentes et sincères, mais qui fondaient à chaque occasion devant le bonheur de suivre Régis, de l’accompagner, portant son carnier, dans les chemins creux ombragés de sureaux et de mûriers. Un coup de fusil éclatait. Reine s’élançait, cherchant la première dans l’herbe mouillée le mince gibier ; puis, bouleversée, quand