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REINE D’ARBIEUX

blesses et ses échecs. Ensemble, ils avaient souvent parlé de Reine. Elle avait gardé l’espoir qu’il l’épouserait. Mais, étourdie par la pensée que Germain Sourbets, fortement soutenu, réussirait peut-être à le supplanter, elle sentait sourdre une émo­tion indéfinissable. Plus tard, quand se succédèrent tant d’événements, dont l’écho l’atteignit au cœur, elle devait se rappeler cet émoi profond, gagnant tout son être, comme si un coup frappé en elle avait été un mystérieux avis du destin.

Cependant Reine ne lui avait rien dit qui jus­tifiât un pareil trouble. Elle ne se confiait pas. Clémence songe. Dans le petit monde où elle a grandi, son amie passe pour singulière. Quelque chose en elle a toujours trahi un excès de rêve et d’émotion. Serait-ce un mal ? En ce cas même, comment ne pas l’aimer et la plaindre pour ce don infini de peine et de joie !

Cette grande jeune fille, au teint de fleur, que fait plus lumineux le contraste des cheveux noirs, comme son visage est nu au milieu des autres ! Clémence la revoit, enfant, avec ses yeux largement fendus, d’un bleu gris de mer, d’où jaillissaient à la moindre peine des larmes brûlantes.

L’averse ayant cessé, elle se leva pour ouvrir la porte en bois plein et resta un instant debout sur le petit perron. Toutes les odeurs de la nuit entrèrent. On entendait s’égoutter un bignonia obscur et alourdi d’eau qui formait contre la rampe de pierre une grotte de verdure.