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REINE D’ARBIEUX

seil ? Avec sa belle figure intelligente et son âme généreuse, le comte eût prêté la main au bonheur de Reine. L’indulgence coulait dans ses veines ; tout naturellement aussi, il se fût rangé dans le parti de la jeunesse et de la beauté, comme il l’avait fait d’ailleurs, disait-on, pour Arthur d’Arbieux. Mais il était mort et personne n’avait pris sa place dans la petite ville, où s’épanouissaient librement les jalousies et les querelles que sa bonté mêlée de scepticisme tenait autrefois quelque peu en bride.

Pendant l’hiver qui suivit, Clémence mit à rendre des visites un zèle inaccoutumé. On la vit presque chaque semaine à Bazas. Parlait-on de Reine ? Pas beaucoup encore. Rien que des petits bruits qui allaient et venaient. « Le fils Sourbets, disait-on, en était coiffé. » Les jeunes filles pariaient que le mariage ne se ferait pas. Dans les salons encom­brés de fauteuils capitonnés et assombris par des doubles rideaux de reps et de mousseline, c’était un beau sujet d’analyse, pour des dames bavardes et réticentes, dont le ton bienveillant recélait des aigreurs secrètes.

Rien de plus simple, en apparence, que de s’in­former discrètement de Germain Sourbets. Sur le drame de famille dont on avait beaucoup parlé autrefois, et qui était tombé dans l’oubli, il ne manquait pas de personnes d’âge qui devaient avoir une opinion. Mais Clémence craignait d’attirer l’attention et de provoquer des commentaires. Avait-elle le droit de le faire ? Ne risquait-elle pas