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REINE D’ARBIEUX

mais d’une substance épaisse et commune, elle éprouvait à en prendre possession, à s’y blottir, un vague bien-être animal.

L’endroit était un peu isolé, à l’écart du bourg et de l’église. Sourbets, occupé par ses affaires, ne rentrait guère qu’aux heures des repas. Mais la solitude n’effrayait pas Reine. À tout moment, c’était d’ailleurs quelque occupation : un peintre, un serrurier qui la dérangeait ; ou la vieille Génie, attachée à Sourbets depuis son enfance, et qui s’émerveillait d’avoir maintenant une jeune maî­tresse belle et aimable comme dans les contes.

Le matin, à la voir paraître, son visage desséché s’illuminait. Reine allait et venait, ramenant d’une main son peignoir léger sur sa taille. Elle faisait porter son chocolat sur une petite table, près des lauriers. Sa gorge pure s’imprégnait de l’air du matin. Un paysan, dans le jardin, faisait des massifs. « Non, disait-elle, pas de géraniums, » se souvenant d’une corbeille écarlate qu’elle avait toujours vue à La Font-de-Bonne. Elle rêvait de fleurs délicates, des verveines, des œillets de Chine. Génie lui vantait un rosier blanc qui était la gloire du presbytère.

« La reine des neiges, » demandait-elle ; et tou­jours cet étonnement que rien ne pût être fait dans son petit royaume sans sa permission.

Les gens, autour d’elle, étaient attirés. Ce fut, pendant les premières semaines, un défilé de pay­sannes apportant des œufs, des asperges, une paire de poulets de grain. Dans ce pays où Sourbets,