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REINE D’ARBIEUX

bien il la sentait vulnérable ! Sa mère l’avait vu se lever, marcher dans la chambre, puis s’asseoir dans l’ombre, maîtrisé.

Dans la solitude du salon qui se remplissait peu à peu, Marie Lavazan revivait confusément toute cette scène, pénétrée du sentiment que les choses n’avaient pas été ce qu’elles auraient dû être. Qu’y pouvait-elle ? Pourquoi le mariage de Reine avait-il été décidé si vite ? Ainsi absorbée par les pensées qui égaraient son esprit rêveur et idéaliste, elle n’avait pas vu Mme de la Brèche faire son entrée ; mais déjà Clémence se glissait vers elle, lui prenait la main. Ce fut pour Marie Lavazan comme si un rayon de soleil avait traversé une atmosphère grise et accablante : au fond des orbites déchar­nées, une étincelle illumina les grands yeux doux, où tout ce qui restait de beauté dans le visage était réfugié.

Clémence tira dans l’embrasure de la fenêtre une chaise basse ; un fauteuil la dissimulait ; on voyait seulement son cou penché, ses omoplates saillantes sous l’étoffe légère de sa robe. La rumeur qui régnait dans le salon — la porte s’ouvrait, se refermait sur des arrivants — étouffait les voix ; mais la mère s’était inclinée, la jeune fille tendait sa figure. Leurs regards se pénétraient et elles cau­sèrent longtemps sans se retourner.

Mme Dutauzan, préoccupée du retard de Reine, cherchait dans le cercle des personnes importantes à soutenir la conversation. Justement, un cousin de Sourbets venait d’entrer, et excitait la curio-