Page:Balde - Reine d'Arbieux, 1932.pdf/84

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
84
REINE D’ARBIEUX

soupçon qui cloue sur place un être jaloux. Avec la mère de Régis, c’était un fantôme détesté qui reparaissait. Pouvait-il haïr ainsi un homme que les circonstances avaient, par une chance heureuse, poussé hors de sa route à l’heure opportune ? C’était un fait qu’il le haïssait ; un fait douloureux, lié à des impressions sourdes et tenaces.

Derrière lui, Adrien Bernos, qui causait avec un Landais trapu et sanguin, de forte encolure, ne cessait de l’observer. Son regard oblique épiait aussi la jeune femme qui semblait gênée : comme elle hochait lentement la tête, une onde de sang vif empourpra ses joues ; ses doigts pétrissaient sur ses genoux un petit sac en perles.

Sourbets réprima un mouvement d’impatience, tourna la tête, se trouva face à face avec son cou­sin qui eut un recul imperceptible.

— Reine, nous partons, jeta-t-il, excédé, en s’efforçant d’assourdir sa voix.

Sourbets dépliait son journal sur le banc du jardin adossé aux hortensias. On entendait Génie aller et venir dans la salle à manger dont la porte-fenêtre demeurait ouverte. Deux ou trois fois, il était rentré dans la maison pour voir si Reine ne lisait pas au salon. Mais elle n’était pas sortie de sa chambre. Germain s’inquiétait : cette scène qu’il lui avait faite dans l’automobile, pendant le rapide trajet de retour, était la première ; avait-il eu raison de céder à l’irritation accumulée tout au long de cette journée, et de lui parler rudement, comme si