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REINE D’ARBIEUX

le boursier cité dans les journaux de la région, dont les professeurs disent que c’est un « sujet » qui peut aller loin ; prophétie qui travaillait dans le crâne étroit et dur de sa mère, Anaïs Bernos, une femme tenace, de mine chétive, aux lèvres minces et parcimonieuses, et qui vivait à Langon auprès de sa fille mariée à un négociant en poteaux de mines.

Était-ce parce qu’il avait été trois ans prison­nier et déprimé par la vie au camp ? À son retour, une sorte d’instinct l’avait ramené au terroir, ou plutôt au terrier natal, victime, pensait-on, de ses études inachevées, sans diplômes, sans ambition, et se contentant dans la papeterie d’un emploi médiocre qui ne s’accordait guère avec son mérite.

Il passait aussi pour s’être brouillé avec sa mère : elle ne lui pardonnait pas, disait-on, de s’être mis au service de ses cousins, après les malheurs dont la malhonnêteté du père Sourbets avait été cause. N’aurait-il pas dû se faire ailleurs la situation brillante que ses débuts laissaient espé­rer ? Mais Adrien paraissait insensible aux reproches comme aux commentaires. Il avait loué une chambre dans le bourg, chez le maréchal ferrant dont la femme faisait son ménage ; sa pipe traî­nait au coin de la cheminée et des livres s’entas­saient sur la commode, décorée d’un vase en verre bleu et d’un plumet de fleurs artificielles. Allait-il vivre longtemps ainsi ? Il y avait deux ans que cela durait ! Il ne semblait pas disposé à rien changer de ses habitudes et prenait ses repas à l’auberge,