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REINE D’ARBIEUX

qui écartait d’eux les affections. Que lui importaient les reproches qu’il pourrait faire ! Cela seul comp­tait : le désir d’enrichir sa vie d’une amitié d’homme, qui lui semblait faite de délicatesse et d’admiration et ranimait en elle ces goûts d’art, ces aspirations héritées d’un père que toutes les belles choses avaient attiré.

Elle se leva pour montrer à Adrien des fusains d’Arthur d’Arbieux qu’elle venait de faire enca­drer, deux grands tableaux, de chaque côté de la cheminée. Et aussi, dans une large bordure d’or rougi, un peu écaillée, une toile qu’elle avait autre­fois dans sa chambre à La Font-de-Bonne.

C’était un petit paysage triste, qui tournait au noir, deux ou trois pins, formant dans une lande embroussaillée un mince bouquet sur un horizon de soleil couchant.

Adrien mit sa main au-dessus des yeux, loua la composition, le sentiment mélancolique. Pour les fusains : « Le ciel est très beau avec ces nuages », il critiqua l’encadrement.

— Il ne fallait pas laisser tant de marge.

Elle l’écoutait, le pressait de questions : quel était celui qu’il préférait ? Cette route tournante, avec ce rideau de peupliers, elle l’aimait tant ! Sans qu’elle en eût encore pris conscience, elle rattachait à ces pauvres esquisses une vie ancienne, déposée au fond de son cœur. Ces paysages aimés par son père, embellis d’un rêve qu’elle continuait, c’était tout ce qu’elle pouvait savoir de cette âme sensible et passionnée ; elle y découvrait un charme, un