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L’HOMME DE COUR

Pour être maître de soi, il est besoin de réfléchir sur soi. Si une fois cette racine des imperfections est arrachée, l’on viendra bien à bout de toutes les autres.

CCXXVI

Attention à engager.

La plupart des hommes ne parlent ni n’agissent point selon ce qu’ils sont, mais selon l’impression des autres. Il n’y a personne qui ne soit plus que suffisant pour persuader le mal, d’autant que le mal est cru très facilement, quelquefois même qu’il est incroyable. Tout ce que nous avons de meilleur dépend de la fantaisie d’autrui. Quelques-uns se contentent d’avoir la raison de leur côté, mais cela ne suffit pas, et, par conséquent, il faut le secours de la poursuite. Quelquefois le soin d’engager coûte très peu et vaut beaucoup. Avec des paroles on achète de bons effets. Dans cette grande hôtellerie du monde, il n’y a point de si petit ustensile dont il n’arrive d’avoir besoin une fois l’an ; et si peu qu’il vaille, il sera très incommode de s’en passer. Chacun parle de l’objet selon sa passion.

CCXXVII

N’être point homme de première impression.

Quelques-uns se marient si follement avec la première information, que toutes les autres ne leur sont plus que des concubines. Et comme le