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L’HOMME DE COUR

que de l’être à un seul de ceux-là. Ce qui est bien dit se dit en peu.

CVI

Ne point faire parade de sa fortune.

L’ostentation de la dignité choque plus que l’ostentation de la personne. Trancher du grand, c’est se rendre odieux : il suffit bien d’être envié. Plus on cherche la réputation, et moins on la trouve. Comme elle dépend du jugement d’autrui, personne ne se la saurait donner et, par conséquent, il faut la mériter, et l’attendre. Les grands emplois demandent une autorité proportionnée à leur exercice, et, sans cela, l’on ne peut pas les exercer dignement. Il faut conserver toute celle qui est nécessaire pour remplir l’essentiel de ses obligations ; ne la point faire trop valoir, mais la seconder. Tous ceux qui font les accablés d’affaires se montrent indignes de leur emploi, comme chargés d’un faix qu’ils ne sauraient porter. Si l’on a à se faire honneur, que ce soit plutôt d’un grand mérite personnel que d’une chose d’emprunt. Un roi même doit s’attirer plus de vénération par sa propre personne que par sa souveraineté, qui n’est qu’une chose extérieure.

CVII

Ne point montrer qu’on soit content de soi-même.

D’être mécontent de soi-même, c’est faiblesse ; d’en être content, c’est folie. Dans la plupart des