Page:Balzac, Chasles, Rabou - Contes bruns, 1832.djvu/149

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que le premier ténor était surpris tout à coup par un enrouement, ou que le premier sujet de la danse venait de se donner une entorse.

En rentrant chez eux (depuis plusieurs mois ils ne demeuraient plus sous le même toit), le père et la fille furent saisis tous les deux d’une fièvre violente, résultat de l’émotion à laquelle ils avaient été soumis. Mais la fille avait dix-sept ans, et la vie chez elle achevait à peine de se compléter ; chez le vieux père, au contraire, la nature en décadence depuis long-temps menaçait ruine ; elle s’en fut du coup. On le porta au cimetière des juifs, qui est placé en dehors de la porte de la ville, sur le chemin de France ; en sorte que, deux mois après, lorsque Sara passa par cette route dans la voiture de l’ambassadeur, elle ne put s’empêcher de penser au vieux Fleischmann et à sa malédiction.

C’est une chose étrange que la malédiction d’un père. Ce n’est pas une force, comme disent les mathématiciens ; ce n’est pas un corps, une substance, une chose matérielle, avec laquelle vous puissiez toucher celui auquel vous l’adressez ; trois mots : Je te maudis ; ce n’est autre chose que l’expression d’un vœu pour