Page:Balzac, Chasles, Rabou - Contes bruns, 1832.djvu/18

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brigands !…

Pour un coup de main, il n’y avait pas de meilleures troupes dans l’armée ; mais c’étaient des chenapans à voler le bon Dieu. Un jour, ils buvaient l’eau-de-vie des pansemens ; un autre, ils tiraient, sans scrupule, un coup de fusil à un payeur, et mettaient le vol sur le compte des Espagnols. Et, cependant, ils avaient de bons momens !… A je ne sais quelle bataille, un de ces hommes-là tua dans la mêlée un capitaine anglais qui, en mourant, lui recommanda sa femme et son enfant. La veuve et l’orphelin se trouvaient dans un village voisin. L’Italien y alla sur-le-champ, à travers la mêlée, et les prit avec lui. La jeune dame était, ma foi, fort jolie. Les mauvaises langues du régiment prétendirent qu’il consola la veuve ; mais le fait est qu’il partagea sa solde avec l’enfant jusqu’en 1814. Dans la déroute de Moscou, l’un de ces garnemens, ayant un camarade attaqué de la poitrine, eut pour lui des soins inimaginables depuis Moscou jusqu’à Wilna. Il le mettait à cheval, l’en descendait, lui donnait à manger, le défendait contre les cosaques, l’enveloppait de son mieux avec les haillons qu’il pouvait trouver, le couchait comme une mère couche son enfant, et veillait à tous ses besoins. Un soir, le