Page:Balzac, Chasles, Rabou - Contes bruns, 1832.djvu/181

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détail s’applique à des riens. Le solitaire, s’il a l’esprit droit, creuse à une profondeur inouïe, découvre des rapports ignorés des autres hommes, étudie le monde sans le voir, devine les secrets des cœurs sans se confondre dans la tourbe sociale, pénètre le ciel et l’enfer, invente dans sa cellule tout ce qui doit changer le globe : c’est Roger Bacon devinant la machine à vapeur et la circulation du sang ; c’est Abeilard et Occam préludant au scepticisme de Voltaire ; il n’y a que les esprits sans portée qui se moquent des cénobites. Le cénobitisme est le nourricier du génie ; la cellule en est le berceau. Croyez-vous que ces jésuites qui émouvaient le monde et pétrissaient les ames royales eussent acquis dans le tumulte d’une société bruyante leur génie si fécond et si dangereux ? Non. Même le talent de l’intrigue peut émaner de la cellule : là, dans la solitude, en face du ciel, loin du mouvement des pensées tumultueuses, qui nous enlèvent à nous, germent et grandissent tous les bons et mauvais génies.

»Le père Anselme, Vénitien de naissance, était un remarquable exemple de sagacité et de finesse mondaines, chez un prêtre enfermé dans le cloître.

»J’avais beaucoup de confiance en lui et je crois qu’il