Page:Balzac, Chasles, Rabou - Contes bruns, 1832.djvu/222

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sonnée à toutes les horloges, et la ville de Brème tout entière reposait dans le sommeil ; l’atelier de Tobias Guarnerius était soigneusement fermé ; et de peur qu’en passant on ne pût voir par les fentes des volets la lumière qui brillait dans son arrière-boutique, il avait eu soin d’étendre devant la porte vitrée qui communiquait de cette pièce à son magasin un épais rideau de serge verte replié deux fois sur lui-même.

Certes, ces précautions n’étaient point inutiles, car c’était une œuvre étrange que celle à laquelle le luthier s’occupait.

Dans le grand lit de damas rouge sur lequel, il y avait bientôt quarante ans, elle l’avait mis au monde, sa vieille mère Brigitta Guarnerius, en proie aux angoisses de l’agonie, achevait de mourir d’un cancer qui la minait depuis long-temps. Penché sur sa poitrine, qui râlait d’une manière horrible, sans qu’une larme brillât dans ses yeux, sans qu’un seul des muscles de son visage exprimât la moindre sympathie pour les atroces souffrances dont il était témoin, Tobias paraissait plongé dans le pressentiment d’un moment solennel et fatal, dont l’attente absorbait toutes ses facultés. Sans doute, en vue de quelque produit étrange