Page:Balzac, Chasles, Rabou - Contes bruns, 1832.djvu/245

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et laissa au malade, que ses forces abandonnaient à vue d’œil, le temps d’entrer en pleine agonie. Depuis quelques minutes il paraissait avoir perdu le sentiment de tout ce qui l’entourait, et le bon prêtre était sur le point d’achever sa péroraison quand le son criard et lointain d’un violon qui jouait une tyrolienne retentit à leurs oreilles. Ce bruit, comme on peut le penser, n’émut pas autrement le prédicateur, qui continua de finir son discours ; mais le malade en parut pénétré jusque dans la moelle des os. Il se releva droit sur son séant ; ses cheveux se hérissèrent ; une contraction nerveuse parcourut sa face ; il prêta l’oreille avec une horrible angoisse, saisit le bras du confesseur, et, le serrant violemment : « Entendez-vous, dit-il d’une voix lamentable, entendez-vous l’ame de ma mère qui se plaint de moi ? » A cette parole il fut saisi d’une convulsion qui dura quelques minutes ; puis, sans avoir reçu l’absolution, il expira ; et franchement le pauvre Tobias avait eu tort de s’émouvoir ainsi, car ce qu’il avait entendu, c’était le violon d’un infirmier qui, à ses momens perdus, une fois ses plaies pansées et ses morts ensevelis, pratiquait les beaux-arts, auxquels les gens de son état sont en général fort enclins.