Page:Balzac, Chasles, Rabou - Contes bruns, 1832.djvu/33

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écrivains, peintres, tout le monde est possédé d’une singulière manie. Notre société, selon ces gens-là, nos mœurs, tout se décompose et rend le dernier soupir. Nous vivons morts ; nous nous portons à merveille dans une agonie perpétuelle, et sans nous apercevoir que nous sommes en putréfaction. Enfin, à les entendre, nous n’avons ni lois, ni mœurs, ni physionomie, parce que nous sommes sans croyances. Il me semble cependant que, d’abord, nous avons tous foi en l’argent, et depuis que les hommes se sont attroupés en nations, l’argent a été une religion universelle, un culte éternel ; ensuite, le monde actuel ne va pas mal du tout. Pour quelques gens blasés qui regrettent de ne pas avoir tué une femme ou deux, il se rencontre bon nombre de gens passionnés qui aiment sincèrement. Pour n’être pas scandaleux, l’amour se continue assez bien, et ne laisse guère chômer que les vieilles filles… encore !… Bref ! les existences sont tout aussi dramatiques en temps de paix qu’en temps de troubles… Je vous remercie de votre guerre civile. Moi ! j’ai précisément assez de rentes sur le grand-livre pour aimer cette vie étroite, l’existence avec les soies, les cachemires, les tilburys, les peintures sur verres,