Page:Balzac, Chasles, Rabou - Contes bruns, 1832.djvu/393

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L’Espagnol, ne pensant plus à m’empoisonner, en comprenant que je venais de sauver sa maîtresse, pleurait sous son masque, et de grosses larmes roulaient, par instans, sur son manteau.

Du reste, la femme ne jeta pas un cri, mais elle mordait son mouchoir, tressaillait comme une bête fauve surprise, et suait à grosses gouttes.

Dans un instant horriblement critique, elle fit un geste pour montrer la chambre de son mari ; le mari venait de se retourner ; et, de nous quatre, elle seule avait entendu le froissement des draps, le bruissement du lit ou des rideaux.

Nous nous arrêtâmes, et à travers les trous de leurs masques, la camariste et l’amant se jetèrent des regards de feu…

Profitant de cette espèce de relâche, j’étendis la main pour prendre le verre de limonade que l’inconnu avait entamé ; mais lui, croyant que j’allais boire un des verres pleins, bondit aussi légèrement qu’un chat, et posa son long poignard sur les deux verres empoisonnés. Il me laissa le sien, en me faisant un signe de tête pour me dire d’en boire le reste. Il y avait tant de choses, d’idées, de sentiment, dans ce signe et dans