Page:Balzac, Chasles, Rabou - Contes bruns, 1832.djvu/55

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a fait de notre déroute un des plus horribles drames de personnalité, de tristesse et d’horreur, qui jamais se soit passé sous le ciel.

Cependant, à sept ou huit cents pas de notre gîte, nous nous retrouvâmes presque tous, et nous marchâmes ensemble, comme des oies conduites en troupe par le despotisme aveugle d’un enfant : une même nécessité nous poussait.

Arrivés à un petit monticule d’où l’on pouvait encore apercevoir la ferme où nous avions passé la nuit, nous entendîmes des cris qui ressemblaient au rugissement des lions dans le désert, au mugissement des taureaux ; mais non, cette clameur ne pouvait se comparer à rien de connu. Néanmoins nous distinguâmes un faible cri de femme mêlé à cette horrible et sinistre râle. Nous nous retournâmes tous, en proie à je ne sais quel sentiment de frayeur ; alors nous ne vîmes plus la maison ; mais un vaste bûcher. L’habitation était tout en flammes, et des tourbillons de fumée, enlevés par le vent, nous apportaient et les sons rauques et je ne sais quelle vapeur forte.

A quelques pas de nous marchait le capitaine ; il venait tranquillement se joindre à notre c