Page:Balzac, Chasles, Rabou - Contes bruns, 1832.djvu/62

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gaies commencent ainsi, comment finiront-elles ?…

— Oh ! monsieur n’a jamais pu rien conter sans y mettre un trait un peu trop vif, et vraiment je le redoute. J’espère toujours qu’il s’est corrigé…

— Mais où est le mal ?… demanda naïvement le narrateur. Aujourd’hui vous voulez rire, et vous nous interdisez toutes les sources de la gaîté franche qui faisait les délices de nos ancêtres. Otez les tromperies de femmes, les ruses de moines, les aventures un peu breneuses de Verville et de Rabelais, où sera le rire ?… Vous avez remplacé cette poétique par celle des calembours d’Odry !… Est-ce un progrès ?… Aujourd’hui nous n’osons plus rien !… A peine une honnête femme permettrait-elle à son amant de lui raconter la bonne histoire du cocher de fiacre disant à une dame : Voulez-vous trinquer ?… Il n’y a rien de possible avec des mœurs aussi tacitement libertines ; car je trouve vos pièces de théâtre et vos romans plus gravement indécens que la crudité de Brantôme, chez lequel il n’y a ni arrière-pensée ni préméditation. Le jour où nous avons donné de la chasteté au langage, les mœurs avaient perdu la leur.