Page:Balzac, Chasles, Rabou - Contes bruns, 1832.djvu/91

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rumeur dans le faubourg par lequel j’étais entré. Je demande à un soldat qui me parut en venir la raison de ce tumulte, et il me dit que l’un de mes canonniers en était cause ; alors je fus forcé de me rendre sur les lieux pour savoir ce qui se passait. Il y avait des attroupemens composés de femmes principalement, qui paraissaient en colère, criaient et parlaient toutes ensemble ; c’était comme dans une basse-cour, quand les poules se mettent à piailler. Au milieu du faubourg, je vis une grande et belle fille autour de laquelle on s’attroupait ; quand elle m’aperçut, elle fendit la presse et vint à moi. Elle était furieuse, elle parlait avec une volubilité convulsive ; elle avait des couleurs, les bras nus, la gorge haletante, les cheveux en désordre, les yeux enflammés, la peau mate ; elle gesticulait avec feu, elle était superbe ; c’est une des plus belles colères que j’ai vues dans ma vie. Là, je sus la cause de cette émeute. Mon fourrier était logé chez le père de cette fille ; et il paraît que, la trouvant à son goût, il avait voulu la cajoler ; mais qu’elle s’était brutalement défendue ; alors mon diable de canonnier, un provençal, il se nommait Lobbé, c’était un petit homme, à cheveux noirs, bien frisés, qu’on avait appelé dans la