Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/104

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secrète, cachée, tandis que la Cigogne l’accablait au grand jour, et majestueusement.

Au moment où Jacques Collin sortait du cabinet de monsieur de Grandville, le secrétaire général de la présidence du conseil, un député, le comte des Lupeaulx, se présentait accompagné d’un petit vieillard souffreteux. Ce personnage, enveloppé d’une douillette puce, comme si l’hiver régnait encore, à cheveux poudrés, le visage blême et froid, marchait en goutteux, peu sûr de ses pieds grossis par des souliers en veau d’Orléans, appuyé sur une canne à pomme d’or, tête nue, son chapeau à la main, la boutonnière ornée d’une brochette à sept croix.

— Qu’y a-t-il, mon cher des Lupeaulx ? demanda le procureur général.

— Le prince m’envoie, dit-il à l’oreille de monsieur de Grandville. Vous avez carte blanche pour retirer les lettres de mesdames de Sérisy et de Maufrigneuse, et celles de mademoiselle Clotilde de Grandlieu. Vous pouvez vous entendre avec ce monsieur…

— Qui est-ce ? demanda le procureur général à l’oreille de des Lupeaulx.

— Je n’ai pas de secrets pour vous, mon cher procureur général, c’est le fameux Corentin. Sa Majesté vous fait dire de lui rapporter vous-même toutes les circonstances de cette affaire et les conditions du succès.

— Rendez-moi le service, répondit le procureur général à l’oreille de des Lupeaulx, d’aller dire au prince que tout est terminé, que je n’ai pas eu besoin de ce monsieur, ajouta-t-il en désignant Corentin. J’irai prendre les ordres de Sa Majesté, quant à la conclusion de l’affaire qui regardera le garde des sceaux, car il y a deux grâces à donner.

— Vous avez sagement agi en allant de l’avant, dit des Lupeaulx en donnant une poignée de main au procureur général. Le roi ne veut pas, à la veille de tenter une grande chose, voir la pairie et les grandes familles tympanisées, salies… Ce n’est plus un vil procès criminel, c’est une affaire d’État…

— Mais dites au prince que, lorsque vous êtes venu, tout était fini !

— Vraiment ?

— Je le crois.