Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/122

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— Et vous pouvez me remettre toutes les lettres de ces dames ?

— Avez-vous lu les trois ?…

— Oui, dit vivement le procureur général ; j’en suis honteux pour celles qui les ont écrites…

— Eh ! bien, nous sommes seuls : défendez votre porte, et traitons, dit Jacques Collin.

— Permettez… la justice doit avant tout faire son métier, et monsieur Camusot a l’ordre d’arrêter votre tante…

— Il ne la trouvera jamais, dit Jacques Collin.

— On va faire une perquisition au Temple, chez une demoiselle Paccard qui tient son établissement…

— On n’y verra que des haillons, des costumes, des diamants, des uniformes. Néanmoins, il faut mettre un terme au zèle de monsieur Camusot.

Monsieur de Grandville sonna un garçon de bureau, et lui dit d’aller dire à monsieur Camusot de venir lui parler.

— Voyons, dit-il à Jacques Collin, finissons ! Il me tarde de connaître votre recette pour guérir la comtesse…

— Monsieur le procureur général, dit Jacques Collin en devenant grave, j’ai été, comme vous le savez, condamné à cinq ans de travaux forcés pour crime de faux. J’aime ma liberté !… Cet amour, comme tous les amours, est allé directement contre son but ; car, en voulant trop s’adorer, les amants se brouillent. En m’évadant, en étant repris tour à tour, j’ai fait sept ans de bagne. Vous n’avez donc à me gracier que pour les aggravations de peine que j’ai empoignées au pré… (pardon !) au bagne. En réalité, j’ai subi ma peine, et jusqu’à ce qu’on me trouve une mauvaise affaire, ce dont je défie la justice et même Corentin, je devrais être rétabli dans mes droits de citoyen français. Exclu de Paris, et soumis à la surveillance de la police, est-ce une vie ? où puis-je aller ? que puis-je faire ? Vous connaissez mes capacités… Vous avez vu Corentin, ce magasin de ruses et de trahisons, blême de peur devant moi, rendant justice à mes talents… Cet homme m’a tout ravi ! car c’est lui, lui seul qui, par je ne sais quels moyens et dans quel intérêt, a renversé l’édifice de la fortune de Lucien… Corentin et Camusot ont tout fait…

— Ne récriminez pas, dit monsieur de Grandville, et allez au fait.

— Eh ! bien, le fait, le voici. Cette nuit, en tenant dans ma main