Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/233

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peintures, dues à quelque artiste inconnu, représentent les gloires de la table : les saumons, les têtes de sanglier, les coquillages, enfin tout le monde mangeable qui, par de fantastiques ressemblances, rappelle l’homme, les femmes, les enfants et qui lutte avec les plus bizarres imaginations de la Chine, le pays où, selon moi, l’on comprend le mieux le décor. Sous son pied, la maîtresse de la maison trouve un ressort de sonnette pour appeler les gens, afin qu’ils n’entrent qu’au moment voulu, sans jamais rompre un entretien ou déranger une attitude. Les dessus de portes représentent des scènes voluptueuses. Toutes les embrasures sont en mosaïques de marbres. La salle est chauffée en dessous. Par chaque fenêtre, on aperçoit des vues délicieuses.

Cette salle communique à une salle de bain d’un côté, de l’autre à un boudoir qui donne dans le salon. La salle de bain est revêtue en briques de Sèvres peintes en camaïeu, le sol est en mosaïque, la baignoire est en marbre. Une alcôve, cachée par un tableau peint sur cuivre, et qui s’enlève au moyen d’un contrepoids, contient un lit de repos en bois doré du style le plus Pompadour. Le plafond est en lapis-lazuli, étoilé d’or. Les camaïeux sont faits d’après les dessins de Boucher. Ainsi, le bain, la table et l’amour sont réunis.

Après le salon qui, mon cher, offre toutes les magnificences du style Louis XIV, vient une magnifique salle de billard, à laquelle je ne connais pas de rivale à Paris. L’entrée de ce rez-de-chaussée est une antichambre demi-circulaire, au fond de laquelle on a disposé le plus coquet des escaliers, éclairé par en haut, et qui mène à des logements bâtis tous à différentes époques. Et l’on a coupé le cou, mon cher, à des fermiers-généraux en 1793 ! Mon Dieu ! comment ne comprend-on pas que les merveilles de l’Art sont impossibles dans un pays sans grandes fortunes, sans grandes existences assurées ? Si la Gauche veut absolument tuer les rois, qu’elle nous laisse quelques petits princes, grands comme rien du tout !

Aujourd’hui, ces richesses accumulées appartiennent à une petite femme artiste, qui non contente de les avoir magnifiquement restaurées, les entretient avec amour. De prétendus philosophes, qui s’occupent d’eux en ayant l’air de s’occuper de l’Humanité, nomment ces belles choses des extravagances. Ils se pâment devant les fabriques de calicot et les plates inventions de