Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/282

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— La gueuse, elle nous a mis sur les dents, dit enfin Vatel, elle est dans le bois depuis cette nuit…

Tout le monde ayant prêté main-vive au recel de l’arbre coupé, les choses furent promptement remises en état dans le cabaret. Tonsard vint alors sur la porte d’un air rogue.

— Vatel, mon fiston, si tu t’avises, une autre fois, de violer mon domicile, c’est mon fusil qui te répondra, dit-il. Tu ne sais pas ton métier… Après ça, tu as chaud, si tu veux un verre de vin, on te l’offre, tu pourras voir que le fagot de ma mère n’a pas un brin de bois suspect, c’est tout broussailles.

— Canaille !… dit tout bas à l’huissier le garde plus vivement atteint au cœur par cette ironie qu’il n’avait été atteint aux yeux par la cendre.

En ce moment, Charles, le valet de pied naguère envoyé à la recherche de Blondet, parut à la porte du Grand-I-Vert.

— Qu’avez-vous donc, Vatel ? dit le valet au garde.

— Ah ! répondit le garde-chasse en s’essuyant les yeux, qu’il avait plongés tout ouverts dans le ruisseau pour achever de les nettoyer, j’ai là des débiteurs à qui je ferai maudire le jour où ils ont vu la lumière.

— Si vous l’entendez ainsi, monsieur Vatel, dit froidement Tonsard, vous vous apercevrez que nous n’avons pas froid aux yeux en Bourgogne !

Vatel disparut. Peu curieux d’avoir le mot de cette énigme, Charles regarda dans le cabaret.

— Venez au château, vous et votre loutre, si vous en avez une, dit-il au père Fourchon.

Le vieillard se leva précipitamment et suivit Charles.

— Eh ! bien, où donc est-elle, cette loutre ? dit Charles en souriant d’un air de doute.

— Par ici, dit le cordier en allant vers la Thune.

Ce nom est celui du ruisseau fourni par le trop-plein des eaux du moulin et du parc des Aigues. La Thune court tout le long du chemin cantonal jusqu’au petit lac de Soulanges qu’elle traverse et d’où elle regagne l’Avonne, après avoir alimenté les moulins et les eaux du château de Soulanges.

— La voilà, je l’ai cachée dans le ru des Aigues avec une pierre à son cou.