Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/303

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la loi commune des transactions. Beaucoup de gens ont observé ce fait et n’y trouvent point de cause.

— Cette cause, la voici, reprit l’abbé Brossette en croyant avec raison que chez Blondet une pause équivalait a une interrogation. Douze siècles ne sont rien pour une caste que le spectacle historique de la civilisation n’a jamais divertie de sa pensée principale, et qui conserve encore orgueilleusement le chapeau à grands rebords et à tour en soie de ses maîtres, depuis le jour où la mode abandonnée le lui a laissé prendre. L’amour dont la racine plongeait jusqu’aux entrailles du peuple, et qui s’attacha violemment à Napoléon, dans le secret duquel il ne fut même pas autant qu’il le croyait, et qui peut expliquer le prodige de son retour de 1815, procédait uniquement de cette idée. Aux yeux du Peuple, Napoléon, sans cesse uni au Peuple par son million de soldats, est encore le roi sorti des flancs de la Révolution, l’homme qui lui assurait la possession des biens nationaux. Son sacre fut trempé dans cette idée…

— Une idée à laquelle 1814 a touché malheureusement, et que la monarchie doit regarder comme sacrée, dit vivement Blondet, car le peuple peut trouver auprès du trône un prince à qui son père a laissé la tête de Louis XVI comme une valeur d’hoirie.

— Voici madame, taisons-nous, dit tout bas l’abbé Brossette, Fourchon lui a fait peur, et il faut la conserver ici, dans l’intérêt de la Religion, du Trône et de ce pays même.

Michaud, le garde-général des Aigues, était sans doute amené par l’attentat perpétré sur les yeux de Vatel. Mais avant de rapporter la délibération qui allait avoir lieu dans le conseil de l’État, l’enchaînement des faits exige la narration succincte des circonstances dans lesquelles le général avait acheté les Aigues, des causes graves qui firent de Sibilet le régisseur de cette magnifique propriété, des raisons qui rendirent Michaud garde-général, enfin des antécédents auxquels étaient dues et la situation des esprits, et les craintes exprimées par Sibilet.

Ce précis rapide aura le mérite d’introduire quelques-uns des principaux acteurs du drame, de dessiner leurs intérêts et de faire comprendre les dangers de la situation où se trouvait alors le général comte de Montcornet.