Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/339

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des oeufs. On ne tond rien sur ce qui n’a pas de laine. Prends ce que t’offre le Tapissier, et laisse-lui récolter des frais, s’il les aime. Tous les goûts sont dans la nature. Le père Mariotte, malgré mon avis, n’a-t-il pas mieux aimé réaliser des pertes que des bénéfices ?…

Courtecuisse, pénétré d’admiration pour Gaubertin, revint tout brûlant du désir d’être enfin propriétaire, et bourgeois comme les autres.

En rentrant chez lui, le général Montcornet vint conter son expédition à Sibilet.

— Monsieur le comte a bien fait, reprit le régisseur en se frottant les mains, mais il ne faut pas s’arrêter en si beau chemin. Le garde-champêtre, qui laisse dévaster nos prés, nos champs, devrait être changé. Monsieur le comte pourrait facilement se faire nommer maire de la commune et prendre, à la place de Vaudoyer, un ancien soldat qui eût le courage d’exécuter la consigne. Un grand propriétaire doit être maire chez lui. Voyez quelles difficultés nous avons avec le maire actuel !…

Le maire de la commune de Blangy, ancien Bénédictin nommé Rigou, s’était marié, l’an Ier de la République, avec la servante de l’ancien curé de Blangy. Malgré la répugnance qu’un religieux marié devait inspirer à la Préfecture, on le maintenait maire depuis 1815, car lui seul à Blangy se trouvait capable d’occuper ce poste. Mais, en 1817, l’Evêque ayant envoyé l’abbé Brossette pour desservant dans la paroisse de Blangy privée de curé depuis vingt-cinq ans, une violente dissidence se manifesta naturellement entre un apostat et le jeune ecclésiastique dont le caractère est déjà connu.

La guerre que, depuis ce temps, se faisaient la Mairie et le Presbytère, popularisa le magistrat, méprisé jusqu’alors. Rigou, que les paysans détestaient à cause de ses combinaisons usuraires, représenta tout à coup leurs intérêts politiques et financiers soi-disant menacés par la Restauration, et surtout par le clergé.

Après avoir roulé du Café de la Paix chez tous les fonctionnaires, le Constitutionnel, principal organe du libéralisme revenait à Rigou le septième jour, car l’abonnement, pris au nom du père Socquard le limonadier, était supporté par vingt personnes. Rigou passait la feuille à Langlumé le meunier, qui la donnait en lambeaux à tous ceux qui savaient lire. Les premiers-Paris et les canards anti-religieux de la feuille libérale formèrent donc l’opinion publique