Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/350

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— Allons ! dit Montcornet, je pars à l’instant, je vais voir le procureur-général.

— Le procureur-général, répliqua doucement Sibilet, sera peut-être de l’avis de son procureur du roi, car une pareille négligence annonce un accord entre eux.

— Eh ! bien, il faut le savoir, s’écria Montcornet. S’il s’agit de faire sauter juges, ministère public, tout jusqu’au Procureur-général, j’irai trouver alors le garde-des-sceaux, et même le Roi.

Sur un signe énergique que lui fit Michaud, le général dit à Sibilet, en se retournant, un : — " Adieu, mon cher ! " que le régisseur comprit.

— Monsieur le comte est-il d’avis, comme Maire, dit le régisseur en saluant, d’exécuter les mesures nécessaires pour réprimer les abus du glanage ? La moisson va commencer, et s’il faut faire publier les arrêtés sur les certificats d’indigence, et sur l’interdiction du glanage aux indigents des communes voisines, nous n’avons pas de temps à perdre.

— Faites, entendez-vous avec Groison ! dit le comte. Avec de pareilles gens, ajouta-t-il, il faut exécuter strictement la loi.

Ainsi dans un moment Montcornet donna gain de cause au système que lui proposait Sibilet depuis quinze jours et auquel il se refusait, mais qu’il trouva bon dans le feu de la colère causée par l’accident de Vatel.

Quand Sibilet fut à cent pas, le comte dit tout bas à son garde : — Eh ! bien, mon cher Michaud, qu’y a-t-il ?

— Vous avez un ennemi chez vous, général, et vous lui confiez des projets que vous ne devriez pas dire à votre bonnet de police.

— Je partage tes soupçons, mon cher ami, répliqua Montcornet ; mais je ne commettrai pas deux fois la même faute. Pour remplacer Sibilet, j’attends que tu sois au fait de la Régie, et que Vatel puisse te succéder. Cependant, qu’ai-je à reprocher à Sibilet ? Il est ponctuel, probe, il n’a pas détourné cent francs depuis cinq ans. Il a le plus détestable caractère du monde, et voilà tout ; autrement, quel serait son plan ?

— Général, dit gravement Michaud, je le saurai, car il en a bien certainement un ; et, si vous le permettez, un sac de mille francs le fera dire à ce drôle de Fourchon, quoique, depuis ce matin, je soupçonne le père Fourchon de manger à tous les rateliers. On veut vous forcer à vendre les Aigues, ce vieux fripon de cordier