Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/38

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turel chez l’homme. Le vol mène à l’assassinat, et l’assassinat conduit de degrés en degrés l’amant à l’échafaud.

L’amour physique et déréglé de ces hommes serait donc, si l’on en croit la Faculté de médecine, l’origine des sept dixièmes des crimes. La preuve s’en trouve toujours, d’ailleurs, frappante, palpable, à l’autopsie de l’homme exécuté. Aussi l’adoration de leurs maîtresses est-elle acquise à ces monstrueux amants, épouvantails de la société. C’est ce dévouement femelle accroupi fidèlement à la porte des prisons, toujours occupé à déjouer les ruses de l’instruction, incorruptible gardien des plus noirs secrets, qui rend tant de procès obscurs, impénétrables. Là gît la force et aussi la faiblesse du criminel. Dans le langage des filles, avoir de la probité, c’est ne manquer à aucune des lois de cet attachement, c’est donner tout son argent à l’homme enflacqué (emprisonné), c’est veiller à son bien-être, lui garder toute espèce de foi, tout entreprendre pour lui. La plus cruelle injure qu’une fille puisse jeter au front déshonoré d’une autre fille, c’est de l’accuser d’infidélité envers un amant serré (mis en prison). Une fille, dans ce cas, est regardée comme une femme sans cœur !…

La Pouraille aimait passionnément une femme, comme on va le voir. Fil-de-Soie, philosophe égoïste, qui volait pour se faire un sort, ressemblait beaucoup à Paccard, le séide de Jacques Collin, qui s’était enfui avec Prudence Servien, riches tous deux de sept cent cinquante mille francs. Il n’avait aucun attachement, il méprisait les femmes et n’aimait que Fil-de-Soie. Quant au Biffon, il tirait, comme on le sait maintenant, son surnom de son attachement à la Biffe. Or, ces trois illustrations de la haute pègre avaient des comptes à demander à Jacques Collin, comptes assez difficiles à établir.

Le caissier savait seul combien d’associés survivaient, quelle était la fortune de chacun. La mortalité particulière à ses mandataires était entrée dans les calculs de Trompe-la-Mort, au moment où il résolut de manger la grenouille au profit de Lucien. En se dérobant à l’attention de ses camarades et de la police pendant neuf ans, Jacques Collin avait une presque certitude d’hériter, aux termes de la charte des Grands Fanandels, des deux tiers de ses commettants. Ne pouvait-il pas d’ailleurs alléguer des payements faits aux fanandels fauchés ? Aucun contrôle n’atteignait enfin ce chef des Grands Fanandels. On se fiait absolument à lui par né-