Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/421

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sonder la ruse que contenait la figure enfiellée de cet habile hypocrite ; aussi s’en était-il fait un compère en communiant avec lui devant le Veau d’or. Dès la fondation de la maison Leclercq, il dit à Rigou d’y mettre cinquante mille francs en les lui garantissant. Rigou devint un commanditaire d’autant plus important qu’il laissa ce fonds se grossir des intérêts accumulés. En ce moment l’intérêt de Rigou dans cette maison était encore de cent mille francs, quoiqu’en 1816 il eût repris une somme de quatre-vingt mille francs environ, pour la placer sur le Grand-Livre, en y trouvant sept mille francs de rentes. Lupin connaissait à Rigou pour cent cinquante mille francs d’hypothèques en petites sommes sur de grands biens. Ostensiblement, Rigou possédait en terres environ quatorze mille francs de revenus bien nets. On apercevait donc environ quarante mille francs de rentes à Rigou. Mais quant à son trésor, c’était un X qu’aucune règle de proportion ne pouvait dégager, de même que le diable seul connaissait les affaires qu’il tripotait avec Langlumé.

Ce terrible usurier, qui comptait vivre encore vingt ans, avait inventé des règles fixes pour opérer. Il ne prêtait rien à un paysan qui n’achetait pas au moins trois hectares et qui ne payait pas la moitié du prix comptant. On voit que Rigou connaissait bien le vice de la loi sur les expropriations appliquée aux parcelles et le danger que fait courir au Trésor et à la Propriété l’excessive division des biens. Poursuivez donc un paysan qui vous prend un sillon, quand il n’en possède que cinq !

Le coup-d’œil de l’intérêt privé distancera toujours de vingt-cinq ans celui d’une assemblée de législateurs. Quelle leçon pour un pays ! La loi émanera toujours d’un vaste cerveau, d’un homme de génie et non de neuf cents intelligences qui se rapetissent en se faisant foule. La loi de Rigou ne contient-elle pas en effet le principe de celle à chercher pour arrêter le non-sens que présente la propriété réduite à des moitiés, des tiers, des quarts, des dixièmes de centiare, comme dans la commune d’Argenteuil où l’on compte trente mille parcelles ?

De telles opérations voulaient un compérage étendu comme celui qui pesait sur cet arrondissement. D’ailleurs, comme Rigou faisait faire à Lupin environ le tiers des actes qui se passaient annuellement dans l’Etude, il trouvait dans le notaire de Soulanges un compère dévoué. Ce forban pouvait ainsi comprendre dans le