Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/431

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extraordinaires, s’ouvre assez rarement. Les habitués, venant tous à pied, montaient par le perron.

Le style de l’hôtel Soudry est sec ; les assises sont indiquées par des filets dits à gouttière ; les fenêtres sont encadrées de moulures alternativement grêles et fortes, dans le genre de celles des pavillons Gabriel et Perronnet de la place Louis XV. Ces ornements donnent, dans une si petite vie, un aspect monumental à cette maison devenue célèbre.

En face, à l’autre angle de la place, se trouve le fameux Café de la Paix, dont les particularités et le prestigieux Tivoli surtout exigeront plus tard des descriptions moins succinctes que celle de la maison Soudry.

Rigou venait très-rarement à Soulanges, car chacun se rendait chez lui : le notaire Lupin comme Gaubertin, Soudry comme Gendrin, tant on le craignait. Mais on va voir que tout homme instruit, comme l’était l’ex-bénédictin, eût imité la réserve de Rigou, par l’esquisse, nécessaire ici, des personnes de qui l’on disait dans le pays : — C’est la première société de Soulanges.

De toutes ces figures la plus originale, vous le pressentez, était madame Soudry, dont le personnage, pour être bien rendu, exige toutes les minuties du pinceau.

Madame Soudry se permettait un soupçon de rouge à l’imitation de mademoiselle Laguerre ; mais cette légère teinte avait changé par la force de l’habitude en plaques de vermillon si pittoresquement appelées des roues de carrosses par nos ancêtres. Les rides du visage devenant de plus en plus profondes et multipliées, la mairesse avait imaginé pouvoir les combler de fard. Son front jaunissant aussi par trop, et ses tempes miroitant, elle se posait du blanc, et figurait les veines de la jeunesse par de légers réseaux de bleu. Cette peinture donnait une excessive vivacité à ses yeux déjà fripons, en sorte que son masque eût paru plus que bizarre à des étrangers ; mais, habituée à cet éclat postiche, sa société trouvait madame Soudry très-belle.

Cette haquenée, toujours décolletée, montrait son dos et sa poitrine, blanchis et vernis l’un et l’autre par les mêmes procédés employés pour le visage ; mais heureusement, sous prétexte de faire badiner de magnifiques dentelles, elle voilait à demi ces produits chimiques. Elle portait toujours un corps de jupe à baleines dont la pointe descendait, très-bas, garni de nœuds partout, même à la pointe !…