Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/464

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le chocolat et le sucre. Le punch était la grande friandise, ainsi que les bavaroises. Ces préparations se faisaient avec une matière sucrée, sirupeuse, semblable à la mélasse, dont le nom s’est perdu, mais qui fit alors la fortune de l’inventeur.

Ces détails succincts sur le Café de la Paix rappelleront ses analogues à la mémoire des voyageurs ; et ceux qui n’ont jamais quitté leur plafond entreverront le plafond noirci par la fumée, les glaces ternies par des milliards de points bruns qui prouvaient en quelle indépendance y vivait la classe des diptères.

La belle madame Socquard, dont les galanteries surpassèrent celles de la Tonsard, avait trôné là, vêtue à la dernière mode ; elle affectionna le turban des sultanes. La sultane a joui, sous l’Empereur, de la vogue qu’obtient l’ange aujourd’hui. Toute la vallée venait jadis y prendre modèle sur les turbans, les chapeaux à visière, les bonnets en fourrures chinoises de la belle cafetière, au luxe de laquelle contribuaient les gros bonnets de Soulanges. Tout en portant sa ceinture au plexus solaire, comme l’ont portée nos mères, si fières de leurs grâces impériales, Junie (elle s’appelait Junie !) fit la maison Socquard ; son mari lui devait la propriété d’un clos de vignes, de cette maison et du Tivoli. Le père de monsieur Lupin avait fait, disait-on, des folies pour la belle Junie Socquard ; Gaubertin, qui la lui avait enlevée, lui devait certainement le petit Bournier.

Ces détails et la science secrète avec laquelle Socquard fabriquait le vin cuit expliqueraient déjà pourquoi son nom et le Café de la Paix étaient devenus populaires ; mais bien d’autres raisons augmentaient cette renommée. On ne trouvait que du vin chez Tonsard et dans les autres cabarets de la vallée ; tandis que depuis Couches jusqu’à La-Ville-aux-Fayes, dans une circonférence de six lieues, le café de Socquard était le seul où l’on pût jouer au billard et boire ce punch que préparait admirablement le bourgeois du lieu. Là seulement se voyaient en étalage des liqueurs fines, des fruits à l’eau-de-vie. Ce nom retentissait donc dans la vallée presque tous les jours, accompagné des idées de volupté superfine que rêvent des gens dont l’estomac est plus sensible que le cœur. A ces causes se joignait encore le privilège d’être partie intégrante de la fête de Soulanges. Dans l’ordre immédiatement supérieur, le Café de la