Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/475

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Compère, répondit Rigou, les majorats tomberont !…

Une fois le chapitre des intérêts épuisé, les deux bourgeois se mirent à causer des mérites respectifs de leurs chambrières, en patois un peu trop bourguignon pour être imprimé. Ce sujet inépuisable les mena si loin qu’ils aperçurent le chef-lieu d’arrondissement où régnait Gaubertin, et qui peut-être excite assez la curiosité pour faire admettre par les gens les plus pressés une petite digression.

Le nom de La-Ville-aux-Fayes, quoique bizarre, s’explique facilement par la corruption de ce nom (en basse latinité, Villa in Fago, le manoir dans les bois). Ce nom dit assez que jadis une forêt couvrait le delta formé par l’Avonne, à son confluent dans la rivière qui se joint cinq lieues plus loin à l’Yonne. Un Franc bâtit sans doute une forteresse sur la colline qui, là, se détourne en allant mourir par des pentes douces dans la longue plaine où Leclercq, le député, avait acheté sa terre. En séparant par un grand et long fossé ce delta, le conquérant se fit une position formidable, une place essentiellement seigneuriale, commode pour percevoir des droits de péage sur les ponts nécessaires aux routes, et pour veiller aux droits de mouture frappés sur les moulins.

Telle est l’histoire des commencements de La-Ville-aux-Fayes. Partout où s’est établie une domination féodale ou religieuse, elle a engendré des intérêts, des habitants, et plus tard des villes, quand les localités se trouvaient en position d’attirer, de développer ou de fonder des industries. Le procédé trouvé par Jean Rouvet, pour flotter les bois, et qui exigeait des places favorables pour les intercepter, créa La-Ville-aux-Fayes, qui jusque-là, comparée à Soulanges, ne fut qu’un village. La-Ville-aux-Fayes devint l’entrepôt des bois qui, sur une étendue de douze lieues, bordent les deux rivières. Les travaux que demandent le repêchage, la reconnaissance des bûches perdues, la façon des trains que l’Yonne porte dans la Seine, produisi(ren)t un grand concours d’ouvriers. La population excita la consommation et fit naître le commerce. Ainsi, La-Ville-aux-Fayes, qui ne comptait pas six cents habitants à la fin du seizième siècle, en comptait deux mille en 1790, et Gaubertin l’avait portée à quatre mille. Voici comment.

Quand l’Assemblée législative décréta la nouvelle circonscription du territoire, La-Ville-aux-Fayes, qui se trouva située à la distance où, géographiquement, il fallait une sous-préfecture, fut