Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/489

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la comtesse, Emile Blondet, le lieutenant de gendarmerie, le maréchal-des-logis et le maire de Couches achevaient de déjeuner dans cette salle splendide et fastueuse où le luxe de Bouret avait passé, et qui a été décrite par Blondet dans sa lettre à Nathan.

— Ce serait bien dommage d’abandonner un pareil séjour, dit le lieutenant de gendarmerie, qui n’était jamais venu aux Aigues, à qui l’on avait tout montré, et qui, en lorgnant à travers un verre de champagne, avait remarqué l’admirable entrain des nymphes nues qui soutenaient le voile du plafond.

— Aussi nous y défendrons-nous jusqu’à la mort, dit Blondet.

— Si je dis ce mot, reprit le lieutenant en regardant son maréchal-des-logis, comme pour lui recommander le silence, c’est que les ennemis du général ne sont pas tous dans la campagne…

Le brave lieutenant était attendri par l’éclat du déjeuner, par ce service magnifique, par ce luxe impérial qui remplaçait le luxe de la fille d’Opéra, et Blondet avait poussé des paroles spirituelles qui le stimulaient autant que les santés chevaleresques qu’il avait vidées.

— Comment puis-je avoir des ennemis ? dit le général étonné.

— Lui si bon ! ajouta la comtesse.

— Il s’est mal quitté avec notre maire, monsieur Gaubertin, et pour demeurer tranquille il devrait se réconcilier avec lui.

— Avec lui !… s’écria le comte ; vous ne savez donc pas que c’est mon ancien intendant, un fripon !

— Ce n’est plus un fripon, dit le lieutenant, c’est le maire de La-Ville- aux-Fayes.

— Il a de l’esprit, notre lieutenant, dit Blondet, il est clair qu’un maire est essentiellement honnête homme.

Le lieutenant voyant, d’après le mot du comte, qu’il était impossible de l’éclairer, ne continua plus la conversation sur ce sujet.


VI. La forêt et la moisson

La scène de Couches avait produit un bon effet, et, de leur côté, les fidèles gardes du comte veillaient à ce qu’on n’emportât que le bois mort de la forêt des Aigues ; mais, depuis vingt ans, cette forêt avait été si bien exploitée par les habitants, qu’il n’y avait